Dans le cyclisme moderne, rares sont les noms aussi intimidants que Tadej Pogačar. Le phénomène slovène a redéfini la manière dont le peloton aborde la course, brouillant les frontières traditionnelles entre préparation, tactique, timing et talent pur. Beaucoup de coureurs cherchent à comprendre comment rivaliser avec lui, mais Mattias Skjelmose, le prodige danois de Lidl-Trek, estime que la solution n’est pas dans la complexité. Elle est bien plus simple : la capacité à ne pas trop réfléchir.

Cette analyse de Skjelmose ne vient pas de l’admiration, mais de l’expérience directe. Il s’est confronté à Pogačar et a observé de près comment le double vainqueur du Tour de France démolit des pelotons entiers avec courage et instinct. Il n’attend pas le moment parfait, les données parfaites ou les conditions idéales », explique Skjelmose. Il y va. Et peut-être que beaucoup de coureurs n’osent plus faire ça aujourd’hui.
À une époque dominée par les données, la nutrition scientifique, les oreillettes, les capteurs de puissance et des stratégies de plus en plus prudentes, Pogačar se démarque. Il connaît les chiffres, mais refuse d’en être prisonnier. Pour Skjelmose, c’est là son véritable avantage. Alors que les équipes préparent pendant des mois des calculs et des scénarios détaillés, Pogačar semble prêt à agir à l’instinct, à prendre des risques, à injecter du chaos dans un sport qui, depuis une décennie, cherche au contraire à les éviter.
« C’est une qualité de ne pas trop réfléchir », insiste Skjelmose, soulignant que de nombreux coureurs deviennent presque spectateurs de leur propre course, attendant un “bon moment” qui n’arrive jamais. Face à un coureur comme Pogačar, l’hésitation est fatale. Il attaque alors que les autres se demandent encore s’ils doivent attaquer. Dès qu’il voit l’opportunité, il part.
Pour battre Pogačar, Skjelmose estime qu’il ne s’agit pas d’être plus fort ou plus intelligent, mais plus audacieux. Il faut des coureurs prêts à tenter au mauvais moment. Des coureurs qui n’ont pas peur d’échouer. Si tout le monde attend la dernière ascension, il sera toujours le meilleur.
Cette philosophie ne rejette pas l’analyse scientifique, mais remet l’instinct au centre de la course. Les légendes du cyclisme — de Merckx à Hinault — dominaient grâce à une agressivité instinctive. Skjelmose suggère que Pogačar incarne un retour moderne à cette tradition, tandis que le reste du peloton reste coincé dans un laboratoire tactique.
Pour battre Pogačar, il faudra donc l’affronter dans le même terrain imprévisible où il excelle. Toutes les attaques n’ont pas besoin d’être parfaites ; elles doivent surtout être audacieuses. Si vous voulez le battre, vous devez vous aussi tenter quelque chose de fou.













