Pour la plupart des athlètes, les souvenirs sportifs prennent la forme de médailles, de photos ou de maillots dédicacés. Pour le triathlète français Aurélien Moreau, ils sont bien plus permanents : ce sont des hommages tatoués aux légendes qui ont façonné son état d’esprit. Après des années à puiser son inspiration de loin, Moreau vient de compléter ce qu’il appelle son “hat-trick de tatouages de rêve”, en ajoutant rien de moins que Tadej Pogačar à un corps déjà orné des icônes Leon Marchand et Eliud Kipchoge.

Tout a commencé innocemment. Moreau, alors jeune athlète en quête de reconnaissance nationale, trouvait motivation dans la domination du prodige de la natation française Leon Marchand. En voyant Marchand pulvériser des records du monde avec un calme irréel, il s’est fait tatouer la signature du nageur sur les côtes droites. Ce n’était pas du fanatisme, insiste-t-il. C’était une façon d’emporter avec moi un fragment de grandeur chaque jour. Le tatouage est devenu un rituel : un rappel de la précision, du sang-froid et de l’exécution parfaite.
Puis est venu Eliud Kipchoge, le philosophe du marathon, celui qui accueille la souffrance avec le sourire et la pression avec grâce. Moreau dit que la maîtrise du marathonien kenyan l’a aidé à traverser certains de ses blocs d’entraînement les plus sombres. Après avoir terminé son premier triathlon longue distance, il s’est envolé pour Berlin afin de rencontrer la légende lors d’un événement public. Kipchoge, amusé et touché, a accepté que Moreau se fasse tatouer sa signature minimaliste sur l’avant-bras. Celui-là m’a appris la discipline, explique-t-il. Leon, c’est la précision. Kipchoge, c’est la sérénité.
Mais la dernière pièce du triptyque devait être spéciale car Tadej Pogačar, double vainqueur du Tour de France et champion du monde en titre, est difficile à rencontrer, encore plus à convaincre, et presque toujours sur la route. Pourtant, lors d’un camp d’entraînement dans les Alpes, Moreau a croisé l’équipe UAE Team Emirates grâce à une connaissance commune. Un message en entraînant un autre, il s’est retrouvé à partager un café avec le Slovène qui redéfinit le cyclisme moderne.
Pogačar, amusé par l’histoire plus que par l’attention médiatique, a accepté immédiatement. La signature a été tracée proprement sur l’omoplate gauche de Moreau, dans la même écriture fluide que celle utilisée sur ses casques de course. Celui-ci, avoue le triathlète, représente le courage — l’art d’attaquer quand les autres attendent.
Trois icônes, trois philosophies, un athlète qui les porte à chaque nage, chaque coup de pédale, chaque foulée. Pour Aurélien Moreau, ce hat-trick n’est pas une forme d’admiration aveugle. C’est littéralement une manière d’emmener la grandeur avec lui, tandis qu’il poursuit la sienne.














