Dans le cyclisme moderne, rares sont les duels qui ont autant marqué une époque que celui entre Tadej Pogačar et Jonas Vingegaard. Leur rivalité ne repose pas sur l’hostilité, les coups d’éclat ou une tension fabriquée par les médias. Elle s’appuie sur quelque chose de bien plus
captivant : une excellence mutuelle. Chacun oblige l’autre à aller plus loin, à rêver plus grand, à redéfinir ce qui est possible sur un vélo. Et Pogačar, qui n’a jamais peur de dire ce qu’il pense, admet volontiers que courir contre Vingegaard le pousse à un niveau qu’il n’aurait peut-être jamais atteint seul.
Pogačar rit souvent en se souvenant à quel point le cyclisme lui semblait « facile » avant l’arrivée de Jonas. Les ascensions faisaient toujours mal, bien sûr, et les courses exigeaient toujours tout de lui, mais il avait souvent l’impression de pouvoir imposer son rythme quand il le souhaitait. Puis Vingegaard est apparu — discret, affûté, implacable. Soudain, les marges se sont réduites. Le Tour de France n’était plus un terrain de jeu : il est devenu une partie d’échecs jouée en altitude, chaque mouvement calculé, chaque seconde essentielle.
Ce qui rend leur rivalité si fascinante, c’est le contraste de leurs styles. Pogačar est instinctif, explosif, un coureur qui attaque non seulement parce que la stratégie l’exige, mais parce que son cœur le pousse. Il roule avec le flair d’un artiste — parfois impulsif, souvent dévastateur. Vingegaard, lui, est le maître de la précision. Sa force réside dans le contrôle : les données de puissance, la gestion de l’effort, une confiance tranquille et un sens presque scientifique du timing. Lorsque ces deux philosophies s’affrontent sur une montagne, les fans de cyclisme assistent à quelque chose qui ressemble à de la poésie.
Et Pogačar le reconnaît sans détour : sans Vingegaard, il ne se serait jamais autant amélioré. Chaque défaite a affûté un nouvel angle en lui. Après avoir perdu deux fois le Tour face à Jonas, il ne s’est pas apitoyé il s’est métamorphosé. Il a revu son entraînement, affiné sa nutrition, renforcé sa préparation mentale. Il est devenu non seulement plus fort, mais plus intelligent. Son célèbre sourire n’a jamais disparu, mais derrière lui s’est forgée une nouvelle dureté car lorsqu’on a un rival comme Jonas, tout ce qui n’est pas l’excellence absolue ne suffit pas.
Pourtant, leur rivalité n’est jamais amère. Après des batailles féroces en montagne, ils échangent souvent quelques mots, une tape dans le dos, même un sourire. Un rappel que, sous la férocité, se cache un respect profond et sincère. Ils ne sont peut-être pas amis au sens traditionnel, mais ils partagent quelque chose de rare : la conscience que leurs carrières sont liées, chacun élevant l’autre.
Pogačar l’a répété plus d’une fois : courir contre Jonas rend la victoire plus belle. Monter sur un podium en sachant que l’on a battu la meilleure version de son rival voilà ce qui donne du sens au triomphe. Et lorsqu’il perd, la déception est vive, mais motivante. Il me rend meilleur », admet Tadej. Chaque fois que je le croise, je sais que je dois monter d’un niveau.
Au fond, c’est de cela que naissent les grandes rivalités — non pas de la haine, mais de l’élévation mutuelle. Pogačar et Vingegaard sont peut-être adversaires sur la route, mais ensemble, ils façonnent l’une des plus grandes ères du cyclisme. Et pour Tadej, la présence de Jonas n’est pas un poids — c’est un cadeau.














