Remco Evenepoel n’a jamais caché son ambition, mais sa dernière déclaration va plus loin qu’une simple bravade. Je veux être meilleur que Pogačar… c’est pour ça que je suis venu ici, a-t-il affirmé, formulant avec une clarté inhabituelle son objectif à long terme : remporter le Tour de France en 2026. Dans un peloton de plus en plus marqué par des talents générationnels, Evenepoel ne se satisfait pas d’être l’un des meilleurs. Il veut détrôner la référence, et dans le cyclisme moderne, cette référence s’appelle Tadej Pogačar.

À 25 ans, Evenepoel possède déjà un palmarès dont la plupart des coureurs rêveraient : une Vuelta a España, plusieurs Monuments, des titres mondiaux du contre-la-montre et une médaille d’or olympique. Pourtant, le Tour de France lui échappe encore. Sa première participation s’est arrêtée prématurément, et sa deuxième a montré des promesses tout en révélant des limites dans les longues séquences de haute montagne et dans l’enchaînement des efforts jour après jour face à des coureurs comme Pogačar et Jonas Vingegaard. Pour Evenepoel, 2026 n’est pas une date choisie au hasard ; c’est un horizon calculé, qui lui laisse le temps d’évoluer d’un brillant coureur par étapes vers un dominateur complet des grands tours.
Ce qui rend sa déclaration crédible, ce n’est pas seulement la confiance, mais la trajectoire. Le profil physiologique d’Evenepoel a progressivement évolué. Longtemps perçu avant tout comme un spécialiste du contre-la-montre doté d’une capacité explosive en montée sur des efforts plus courts, il a gagné en résistance, en discipline de pacing et en constance en altitude. Ses performances lors des étapes de troisième semaine se sont améliorées et, surtout, sa récupération entre de grosses journées de montagne ne s’effondre plus comme auparavant. Ce sont ces marges-là qui décident des Tours, bien plus que des éclats isolés.
La comparaison avec Pogačar est inévitable et éclairante. Pogačar est le coureur le plus complet de sa génération : explosif, endurant, tactiquement fin et psychologiquement imperturbable. Être meilleur que lui ne signifie pas forcément gagner plus de courses au total ; cela signifie le battre là où cela compte le plus. Evenepoel comprend que le Tour ne se gagne pas uniquement aux watts, mais par le contrôle du chaos, de la dynamique d’équipe, de soi-même. Son orientation vers un environnement davantage centré sur le Tour reflète cette prise de conscience. La phrase c’est pour ça que je suis venu ici parle autant de structure et de conviction que de talent.
Un changement mental est également à l’œuvre. Plus tôt dans sa carrière, la confiance d’Evenepoel frôlait parfois l’impatience, avec l’impression que les courses devaient se plier à sa volonté. Aujourd’hui, on perçoit davantage de pragmatisme. Il parle ouvertement d’apprentissage, accepte que Pogačar et Vingegaard fixent les points de référence. Plutôt que de nier cette réalité, il s’en sert comme moteur. Cette humilité, associée à une ambition implacable, est souvent ce qui distingue les presque-grands des véritables champions.
Bien sûr, gagner le Tour en 2026 exigera plus qu’une progression individuelle. Il faudra une équipe capable de rivaliser avec la profondeur en montagne et la cohésion tactique de l’UAE Team Emirates. Cela nécessitera une préparation sans accroc, des saisons sans blessures et peut-être un parcours du Tour qui récompense autant la puissance sur la durée et le contre-la-montre que l’explosivité en montée. Rien de tout cela n’est garanti.
Mais la déclaration d’Evenepoel compte parce qu’elle définit une intention. Les grandes rivalités du cyclisme ont toujours été portées par des coureurs prêts à dire tout haut ce qui dérange. En nommant directement Pogačar, Evenepoel s’inscrit dans cette lignée. Qu’il réussisse ou non, la route vers le Tour de France 2026 possède désormais un fil narratif clair : celui d’un coureur pour qui être deuxième derrière le meilleur ne suffit pas — et qui est prêt à se transformer pour renverser l’ordre établi.














